samedi 13 juin 2009

RETROUVER L'ETONNEMENT

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"Les journaux parlent de tout, sauf du journalier.
Les journaux m'ennuient, ils ne m'apprennent rien ;
ce qu'ils racontent ne me concerne pas,
ne m'interroge pas et ne répond pas davantage aux questions
que je pose ou que je voudrais poser.
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Ce qui se passe vraiment, ce que nous vivons,
le reste, tout le reste, où est-il ?
Ce qui se passe chaque jour et qui revient chaque jour,
le banal, le quotidien, l'évident, le commun,
l'ordinaire, l'infra-ordinaire, le bruit de fond, l'habituel,
comment en rendre compte, comment l'interroger,
comment le décrire ?
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Mais justement, nous y sommes habitués.
Nous ne l'interrogeons pas, il ne nous interroge pas,
il semble ne pas faire problème,
nous le vivons sans y penser,
comme s'il ne véhiculait ni question ni réponse,
comme s'il n'était porteur d'aucune information. [...]
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Comment parler de ces « choses communes »,
comment les traquer plutôt, comment les débusquer,
les arracher à la gangue dans laquelle elles restent engluées,
comment leur donner un sens, une langue :
qu'elles parlent enfin de ce qui est, de ce que nous sommes. [...]
Interroger ce qui semble tellement aller de soi que nous en avons oublié l'origine."
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Retrouver quelque chose de l'étonnement
que pouvaient éprouver Jules Verne ou ses lecteurs
en face d'un appareil capable de reproduire et de transporter les sons.
Car il a existé, cet étonnement, et des milliers d'autres,
et ce sont eux qui nous ont modelés. [...]
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Georges PEREC

8 commentaires:

  1. C'est bizarre, ça me penser aux écrits, ou plutôt à une réflexion de Montaigne, en d'autres termes, bien sûr... C'est à nous d'aller vers cet étonnement du banal, pas aux autres de le susciter, sans laisser l'habitude le tuer... La technique et les sciences ont tellement évolué depuis Jules Verne que cet étonnement-là, même s'il garde toute sa poésie, s'est transporté dans une dimension encore plus invisible car de plus en plus floue, c'est fabuleux, ce virage à 180 ° du virtuel... Merci, La Licorne, de garder un oeil étonné sur... notre quotidien !

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  2. Un rapport avec Montaigne ? Peut-être !
    Après tout, c'est la premier (ou presque) qui s'est penché sur son intériorité, sur la finesse de ce qui se passait en lui, c'est notre premier auteur "introspectif", et donc capable de percevoir et de décrire ses"étonnements subjectifs"...

    Tout est fabuleux, dans la vie, Colibri, et c'est juste le brouillard de l'habitude qui nous empêche de nous en apercevoir !

    Nous sommes tous des "moldus" du quotidien, incapables de voir la magie du monde autour de nous !

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  3. Juste un petit mot de mon ami Thomas Laurent "d'itinéraire Land-art".

    " Tout est affaire de regard. Du regard qu'on pose sur le monde, sur les être et sur ce qui nous entoure. Regarder avec amour, avec humour, avec poésie. Regarder pour voir, pour imaginer ce qui peut être vu, transformer ce qu'on voit en ce qu'on rêve......"

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  4. Merci Geco...pour ces mots.

    Notre regard est "créateur"...
    tout comme nos pensées d'ailleurs !

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  5. Pas seulement un rapport, une référence, sans aucun doute ! Comme tu le répètes, c'est le "brouillard de l'habitude qui nous empêche de nous en apercevoir", c'était exactement le sujet d'un des essais de Montaigne... Peut-être que, finalement, pour citer un autre auteur, "tout a été dit, tout a été fait"... reste la valse infinie des interprétations dans lesquelles les circonvolutions de notre pois chiche nous entraînent, heureusement, pas au même rythme pour tout le monde... C'est ce qui fait la poésie de la vie, une introspection et une subjectivité (forcément !) toujours en mouvement... circulaire, où les ondes finissent inéluctablement par se croiser ou s'entrecroiser... en une myriade d'étonnements ! Fabulo !

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  6. Je ne me souvenais plus de cet essai de Montaigne...mais effectivement, les grands penseurs ont déjà (presque) tout dit, et nous passons notre vie à redécouvrir la valeur profonde de leur pensée !

    Dernièrement, j'ai découvert, avec étonnement, la modernité de ...Victor Hugo !

    J'aime bien l'image des ondes qui se croisent...En physique, ça s'appelle...des interférences !

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  7. et que dirions-nous à relire Senèque... Incroyablement moderne, indubitablement !

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  8. Pour moi, l'étonnement c'est de vous lire, tout est vérité notre vérité, point de lecture de ses maître n'ai fait, je ne vois que des interrogations, des illusions, l'essentiel il me semble est de partager, ce que vous faites très bien. Continuez à me combler par l'exposé de vos opinions.

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