jeudi 10 février 2011

JEU PHOTO INSOLITE (4)

image ici
L'hiver l'avait rattrapé.
Par delà les collines,
il avait marché sur de vieilles routes
devenues chemins au fil du temps,
et, malgré son pas fluide et ample,
avalant les kilomètres de landes et de terres battues par le vent ,
il s'était mis en retard, il avait perdu la carte,
mais il ne devait pas être loin du but.
La nuit passée dans cette cabane de bûcheron,
avait été peuplée de rêves étranges :
des nuages en fuite, si bas qu'il aurait pu les effleurer au passage,
et de longues silhouettes tirant des cerfs-volants en haut de la crête .
Il s'était dressé soudain, les sens aux aguets :
le silence était trop mat.
La nuit invisible derrière les minces cloisons de planches brutes
avait une opacité qui lui nouait la gorge;
derrière la porte , ouverte à grand-peine : la neige, partout.
Les flocons continuaient à voltiger sans bruit,
lui picotant le front et les joues.
La pellicule de glace craquante sous ses pas lourds...
Dans la pénombre , à tâtons, le long de l'appentis,
il avait pris une brassée de branches sèches,
et allumé le poêle ; puis, grelottant,
il s'était enfoui à nouveau sous l'amas de vieilles couvertures,
les mains ramenées contre son ventre pour avoir moins froid.
C'est alors qu'il avait constaté qu'il lui manquait un gant...
Il verrait bien au jour ...
Pour l'instant , la chaleur lui revenait , le sommeil aussi.
Cette fois -ci, pas de rêves. Un trait de lumière aveuglante
glissé sous la porte disjointe l'avait forcé enfin à ouvrir les yeux,
et puis aussi, au loin , quelqu'un sifflotait , oui... sifflotait.
Le poêle éteint depuis longtemps.
Dehors , un ciel si bleu sur le blanc et le soleil par dessus et là,
perché en haut du piquet de la barrière,
son gant .
"Et bien! Sacré Zig !!! " cria la voix éraillée .
C'est alors qu'il vit le grand cercle tracé sur le pré :
au beau milieu, campé sur ses jambes immenses,
appuyé sur son bâton de randonneur,
Victor riait de toutes ses dents en l'invectivant de plus belle :
son cheval trapu, attelé à une carriole bâchée,
attendait un peu plus loin.
"En voilà un beau fêtard!! On dirait bien que t'as perdu l'Nord!
Encore heureux que je sois plus dégourdi !
Allez ! Amène -toi, qu'on finisse de déneiger le cercle !
Les autres ne vont pas tarder à rappliquer
avec les mangeailles pour la fête :
Je te signale que ce soir , c'est la Saint Valentin !"
D'un coup , tout lui revint !
Et, poussant un rugissement joyeux,
il cueillit son gant noir au bout du bâton
et courut bourrer de coups amicaux son copain Victor.
Ce soir, ils seraient au moins une vingtaine,
descendus des collines.
Et parmi eux , Hélène ...
.
.

2 commentaires:

  1. merci pour ce jeu d'écriture qui m'a transportée , le temps de ces lignes, à l'époque de Jack London...

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  2. Pour notre plus grand plaisir, Croukougnouche !
    On est vraiment dans l'ambiance !

    Ah...Jack London...Croc Blanc...qu'est-ce que j'ai pu rêver sur ses livres quand j'étais ado...

    Puisque c'est lui qui t'a inspirée, je te mets sa vraie (ou presque) cabane en rondins en illustration : il le mérite bien, et toi aussi ! :-)

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